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Bonjour.
Un peu comme tous les météo-amateurs, j'ai toujours constaté des différences de pluviométrie entre un village et un autre.
On l'accepte facilement, mais je voulais savoir jusqu'où ces différences étaient sensibles.
Disposant de 3 hectares de garrigue dans l'arrière pays héraultais, à mi-chemin entre la mer et les premiers contreforts des Cévennes, j'y ai implanté 6 récepteurs de pluie à une distance d'environ 100 m les uns des autres. (450m pour la longueur, entre les 2 les plus éloignés et 150 m en largeur).
Pour faire cette étude, j'aurais pu acheter des pluviomètres professionnels à 90 € pièce (ça fait plus sérieux !), mais après tout, quand la pluie tombe, elle peut être reçue dans n'importe quoi (dé à coudre ou piscine olympique), cela ne change que le volume recueilli en fonction de la surface de réception.
Le tout est de faire une petite opération mathématique du niveau CM 2 pour ramener la quantité relevée et mesurée à celle "normalisée" qui serait tombée sur 1 mètre carré.
Dans les calculs météorologiques il a été décidé que la quantité d'eau se définissait en millimètres de hauteur par mètre carré (mm/m2) de surface.
Une lame d'eau d'un millimètre d'épaisseur étalée sur 1 m2 représente 1 litre d'eau (1000 millilitres).
10 mm donnent 10 litres (un bon arrosoir !) et 100 mm = 100 litres, toujours sur ce même mètre carré.
Pour revenir à nos instruments de mesure, si notre dé à coudre mesure 1 cm2 et qu'il a recueilli 1 millilitre d'eau, comme il y a 10 000 dés à coudre dans 1 m2 (100 cm X 100 cm), la quantité d'eau reçue est donc 10 000 fois 1 millilitre. Soit 10 000 millilitres, ou encore 10 litres.
1 litre/m2 égale 1mm et 10 litres représenteront donc 10 mm de pluie.
On peut faire de même avec la piscine. Si elle fait 10 m X 5 m, c'est-à-dire 50 m2 et qu'on y recueille 500 litres d'eau, on aura également 10 mm de pluie (500 L / 50 m2 = 10 litres/m2).
Partant de là, on peut considérer que n'importe quel récipient peut faire pluviomètre, à condition qu'il ne soit pas trop petit comme notre dé à coudre peu adapté à recevoir de grosses gouttes, ni trop grand comme notre piscine dont on aurait bien du mal à mesurer le nouveau volume avec précision !
La majorité des pluviomètres amateurs (stations automatiques ou pluvios manuels) tourne autour de 50 à 100 cm2. Le matériel pro se situe dans les 400 cm2, la précision n'en est que meilleure, mais dans les appareils manuels, ces diamètres demandent un système de stockage plus complexe (souvent à 2 réservoirs) et donc plus onéreux. Les inscriptions du volume reçu sont directement en mm/m2 ce qui évite aussi la "pénible" (!) règle de trois que l'on n'enseigne d'ailleurs plus à l'école primaire ! …
Comme, dans cette étude, j'avais besoin d'obtenir une comparaison entre 6 pluviomètres répartis sur une grande surface de terrain, il me fallait 6 récipients récepteurs absolument identiques, fixés tous de la même façon, et à la même hauteur du sol, éloignés d'au moins 4 fois la hauteur des obstacles environnants (Exemple : Un cyprès de 4 mètres de haut = distance 4 x 4 = 16 mètres)
Pour les récipients récepteurs, le choix se porta sur des bouteilles d'eau minérale gazeuse en PET, tronçonnées aux 2/3 de leur hauteur.
D'une part ces modèles sont plus résistants que celles d'eau plate, et d'autre part la découpe est facile à réaliser au cutter et elles conservent une rigidité très acceptables une fois découpées.
Leur fixation est faite sur une tige de fer à béton, attachée au sommet de piquets de clôture à 2,20 m du sol. Elles peuvent pivoter verticalement pour vider leur contenu dans une éprouvette.
Leur paroi à également l'avantage de faire une faible épaisseur (3/10e de mm), ce qui, avec une coupe en biais, devient un rasoir à partager les gouttes de pluie en 2 !
Le diamètre de chaque récepteur est de 84 mm, ce qui donne 55,41 cm2 de surface (R² x Pi) et je mesure, après une pluie, le volume d'eau récupérée en millilitres, avec une éprouvette au 5/10e de ml de précision.
L'opération de comparaison des différences de pluviométrie, suivant le lieu sur le terrain, s'est déroulée sur 9 mois, de septembre 2007 à mai 2008. Cette période est localement significative, car c'est celle au cours de laquelle se produit la plus grande partie (pour ne pas dire la presque totalité) des pluies d'une année. Les mois de juin, juillet et août sont anecdotiques dans ce domaine, dans la région montpelliéraine.
La quantité d'eau reçue minimum a été fixée (arbitrairement) à 10 mm/m2 – soit 55.4 millilitres - afin que les impondérables de mesure (gouttelettes accrochées aux parois, par exemple) soient en plus faible proportion possible par rapport au volume mesuré. Une goutte d'erreur (0.06 mg – donc 0,06 millilitre) est négligeable sur une quantité totale de 55 millilitres, alors qu'elle est considérable sur 1 mm/m2 (5.54 millilitres.
Seules les pluies notoires ont donc fait l'objet de cette étude, les quelques averses ou ondées épisodiques intermédiaires ont été écartées pour cause de non représentativité.
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Premières pluies significatives les 29 et 30 septembre 2007.
Résultats calculés avec Excel :
(À noter que les pluvios 2 et 4 ne sont pas encore en place)
Je relève le 1er octobre, sur les 6 récepteurs, les volumes suivants :
259 – 278 – 250 – 257 – 265 et 241 millilitres.
Ce qui, compte tenu de la surface de réception (55,41 cm2) donne une pluviométrie respective de :
46,74 – 50,17 – 45,11 - 46,38 - 47,82 et 43,49 mm au mètre carré.
Première surprise : 6,68 mm d'écart entre le 3 et le 12, les presque plus éloignés l'un de l'autre, soit 15,35 % .
Un écart si important me parait étonnant !
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Les pluvios 2 et 4 sont mis en place et la pluie qui arrive le 6 octobre, fournit les résultats suivants :
L'écart max est tout de même de 9.2 %.
Il est vrai que les nuages ne sont pas formés d'une jolie plaque trouée bien régulièrement qui laisse passer uniformément de jolies gouttes bien calibrées qui, en plus, descendraient toutes à la même vitesse, très régulièrement …
Et, sur les bords du nuage, un panneau "Fin de nuage" !
Mais, de là à obtenir 10% d'écart à quelques dizaines de mètres …
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Pluie suivante le 26 octobre :
Parenthèse : Le récepteur N°2 a été fusillé à bout portant par un chasseur désœuvré et inintelligent (pléonasme). Il est transformé en pomme d'arrosoir. Heureusement que ce n'est pas un modèle pro à 90 € !
Si le fait se reproduit, je mets de l'Acide Chlorhydrique à la place de l'eau …
De mieux en mieux ! 27,0% d'écart entre deux récepteurs situés à 150 m l'un de l'autre.
Comme me le dit un copain à qui je montre ces premiers résultats :
«
Je suis presque sûr qu'avec des types de pluies différentes (pluie fine, régulière et continue) il y aura certainement encore d'autres écarts différents.
Il n'y a qu'à lever les yeux et regarder les nuages pour s'en convaincre.
Ici, dans le climat méditerranéen, on est plus habitués à voir des StratoCu de SE qui "remontent" de la mer, souvent réalimentés en air chaud et humide par la Camargue - accompagnés souvent de Cunimbs - et dont l'uniformité n'est pas la qualité première.
Il en est de même pour des provenances SW (Baléares) également "gorgés" d'eau.
Les pluies qui en découlent ne peuvent pas être homogènes sur une quelconque surface »
C'est assez vrai ! Les seules où on pourrait trouver moins de dispersion seraient peut-être celles d'hiver (rares quand même) provenant des NimboStratus d'une perturbation Atlantique qui traverse en longueur le couloir Languedocien (Toulouse / Montpellier), au sud des Cévennes, dans des pressions relativement hautes.
Mais leur faible intensité ne devrait pas permettre des mesures de grande précision.
Huit jours de pluie fine et continue avec de la bruine, c'est quelque chose d'inconnu ici !
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La pluie suivante eut lieu en novembre :
Trois jours de vent en tempête, les deux premiers (presque) sans pluie.
Le troisième : Vent moyen 39 km/h – Rafales à 83 km/h
Toujours un écart important (à 300 m environ – 2 et 12)
Si on excepte le récepteur N° 1, la décroissance dans le graphe est parallèle à l'éloignement sur le terrain.
On aurait l'impression d'un nuage qui est passé "en biais" !
Ce n'est pas le cas, car 90 % de ce total représentent des averses entrecoupées d'accalmies sur les 30 dernières heures.
Mon copain ajoute :
« …
sinon de manière globale, ce genre d'expérience tant à nuancer sérieusement les infos véhiculées par les cartes pluviométriques que l'on obtient par interpolation des relevés effectués dans les stations de référence ponctuelles. A moins que sur une année, le caractère hasardeux des relevés de précipitations par épisode pluvieux ne se compense. »
Un autre me suggère la grande variabilité dans le diamètre des gouttes.
Si je me réfère à mes documents de base (origine MF il y a une quinzaine d'années, quand j'étais "observateur bénévole" pour la Commission Départementale Météorologique du coin), voici ce que j'ai sur les gouttes de pluie :
- BROUILLARD : diamètre de 0.006 à 0.06 mm - poids : 0.0000001 à 0.0001 mg - vitesse de chute de 0.001 à 0.1m/s.
- BRUINE : diamêtre de 0.06 à 0.5 mm - poids : 0.0001 à 0.06 mg - vitesse de chute de 0.1 à 2 m/s.
- PLUIE : diamètre de 0.5 à 3 mm - poids : 0.06 à 10 mg - vitesse de chute de 2 à 8 m/s.
- AVERSE : diamètre de 3 à 6 mm - poids : 10 à 70 mg - vitesse de chute de 8/9 m/s.Brouillard et bruine ne sont jamais pris en considération dans mon étude si < 10 mm.
La majorité des pluies, ici, sont venteuses à très venteuses.
De toute façon, le vent déplace latéralement les gouttes d'eau. Celles qui devaient tomber dans le récepteur tomberont à côté, mais celles du bord opposé qui ne devaient pas y tomber y tomberont.
Résultat inchangé, hormis les turbulences produites par des obstacles proches pouvant dévier le flux général. Toute l'eau qui tombera sur la face "au vent" d'un arbre ne tombera pas sur son arrière immédiat.
Dans mon cas, il n'y a pas d'obstacles déstabilisants de ce type.
Seul le grillage de clôture (maille de 50) est présent en dessous des pluviomètres.
Son éventuelle faculté perturbatrice ne me paraît pas conséquente.
À suivre car le Post ne rentre pas entier